par Patrick Vignal PARIS, 7 décembre (Reuters) - La progression du marché du
crédit ces dernières semaines doit davantage à des facteurs
techniques qu'aux avancées sur le front d'un vaccin contre le
coronavirus, dit-on chez Generali Investments. Parmi ces facteurs figurent le soutien des banques centrales
et leurs achats dans cette classe d'actifs mais aussi l'arrivée
sur le marché d'une catégorie particulière d'investisseurs, dit
à Reuters Benoist Grasset, gérant de portefeuille obligataire
pour la branche de gestion d'actifs de l'assureur italien. "A partir du moment où des mesures monétaires et
gouvernementales massives ont été mises en place, ce que s'est
dit le marché du crédit, c'est qu'il s'agissait d'un moment
difficile à passer et que la crise n'aurait pas d'impact sur la
valeur terminale des actifs", dit-il. "Ce qui a poussé le marché ces dernières semaines, ce ne
sont peut-être pas tellement les bonnes nouvelles sur le front
des vaccins mais ce sont des facteurs techniques, avec d'une
part les achats des banques centrales et d'autre part l'arrivée
de toutes une série d'investisseurs institutionnels, en
particulier ceux qui n'ont pas une gestion très active",
ajoute-t-il. Comme pour les actions, le marché du crédit a fortement
rebondi depuis la dislocation du mois de mars et présente des
valorisations élevées, avec en outre un rendement très faible
sur la majorité des actifs, notamment sur la dette classée en
catégorie investissement ('investment grade'). La partie la plus risquée du marché du crédit a été
délaissée pendant le rebond par certains investisseurs, qui
craignaient le risque de défauts sur la dette classée en
catégorie spéculative par les agences de notation ('high
yield'), explique le gérant. "Certains assureurs et fonds de pension avaient manqué le
rally du crédit parce qu'ils avaient très peur des défauts. Avec
ce que l'on voit sur le niveau des 'spreads' et la performance
du high yield comme de l'investment grade, personne n'a envie de
montrer dans son bilan de fin d'année qu'il n'est pas investi
sur le crédit. "On a vu ces dernières semaines un phénomène de rattrapage
de la part de ces investisseurs-là, qui sont finalement assez
peu sensibles au prix." LE RENDEMENT SE FAIT RARE "Quand vous regardez l'ensemble du marché obligataire
aujourd'hui, il n'y a pas d'autre alternative que d'aller sur le
high yield et la dette investment grade à fort bêta, en sachant
que les taux négatifs sur l'investment grade sont devenus un
pourcentage énorme de l'ensemble de l'univers", explique Benoist
Grasset. Le 'high yield' présente en outre un risque de défaut de la
part d'émetteurs très endettés et abîmés par la crise sanitaire. "Nous pensons que les taux de défaut ont été différés par
les mesures de soutien et qu'ils vont remonter mais qu'on
atteindra assez vite un plateau et qu'on sera très loin des taux
de défaut historiques qu'on a pu enregistrer au cours de
récessions précédentes", dit le gérant. Les investisseurs à la recherche de rendement dans un
univers où il se fait rare peuvent se tourner vers le 'high
yield' mais aussi vers la dette subordonnée ou 'junior', dont le
remboursement n'est pas prioritaire en cas de liquidation. La dette bancaire fortement subordonnée, qui inclut les
obligations contingentes convertibles (CoCos) et celles dites
AT1 (Additional Tier One), est particulièrement prisée parce
qu'elle affiche un rendement comparable à celui du 'high yield'. "La dette bancaire fortement subordonnée reste une source de
valeur, en sachant que dans cette crise, les banques sont la
solution et non pas le problème. Cela devient assez consensuel
et les CoCos et les AT1 ont eu un très bon mois de novembre",
explique Benoist Grasset. Le marché du crédit est devenu difficile à exploiter, y
compris dans ses parties les plus risquées, qui sont les seules
à présenter encore un rendement attractif, reconnaît le gérant. "Dans ce contexte, les investisseurs se demandent s'il vaut
mieux surpondérer le high yield ou la dette subordonnée bancaire
ou pas", dit-il. "Il faut être très sélectif, avec plus de dispersion sur les
facteurs de risque qu'on a pu en avoir pendant la crise, à la
fois entre secteurs et au sein d'un même secteur. Il faut
privilégier une gestion active en se concentrant sur la
recherche de valeur relative à risque égal." (édité par Marc Angrand)