Assurance-chômage : La Cour des comptes met la pression sur l’État et les partenaires sociaux

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Une affiche demandant le retrait de la réforme sur l'assurance chômage devant l'opéra de Rennes, le 14 mars 2021.

Une affiche demandant le retrait de la réforme sur l'assurance chômage devant l'opéra de Rennes, le 14 mars 2021. — MATHIEU PATTIER/SIPA
La crise du Covid-19 a multiplié les dépenses liées à l’assurance-chômage. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes souligne la complexité induite par la gouvernance actuelle de l’Unédic, avec un Etat très présent et qui décide de nombreux paramètres. Elle propose de mettre à plat les rôles de chacun et de recentrer les missions de l’assurance-chômage.

​Tel un instituteur sévère qui n’hésite pas à mettre un coup de règle sur les doigts d’un élève récalcitrant, la Cour des comptes adresse ce jeudi un avertissement sur la gestion de l’assurance-chômage. Dans leur rapport annuel, dont une large partie est consacrée à la crise du coronavirus, les Sages se sont penchés sur le fonctionnement de l’Unédic, gérée par les syndicats et le patronat, mais dans laquelle l’État a pris une place très importante ces dernières années.

Sans surprise, les finances de l’organisme ont été fortement dégradées en 2020. En effet, l’Unédic s’occupe des allocations chômage tout en contribuant à financer l’activité partielle. Or cette dernière a été largement utilisée par les entreprises lors du premier confinement, puis, dans une moindre mesure, lors du second.

Un endettement qui ne cesse d’augmenter

Résultat : l’Unédic a dû verser 7,5 milliards d’euros au titre de l’activité partielle en 2020, contre seulement 40 millions d’euros en 2019. S’ajoute une augmentation des allocations chômage liée à la dégradation de l’emploi (+3,8 milliards d’euros). Enfin, ses recettes sont en baisse en raison des reports de cotisations accordés aux entreprises, mais aussi parce que les salariés placés au chômage partiel ne cotisent plus. Beaucoup d’argent qui sort, moins d’argent qui rentre, la conclusion est attendue : selon la Cour des comptes, les pertes de l’Unédic « lié [es] à la crise Covid-19 » atteignent 16,4 milliards d’euros.

Le problème, c’est que l’organisme avait déjà une dette qui s’élevait à 36,8 milliards d’euros. Elle avoisine les 54 milliards d’euros en 2020, puis 64 milliards en 2021. Une trajectoire inquiétante pour les Sages, garants de la bonne tenue des comptes publics, qui demandent de « rétablir l’équilibre structurel du régime ».

L’État va devoir éponger

Pour commencer, la Cour des comptes estime que la dette actuelle est « trop lourde à porter pour le seul régime d’assurance-chômage ». L’État est donc appelé à la rescousse. Cela serait d’autant plus justifié, selon le rapport, que le gouvernement est responsable d’une bonne partie de la situation financière actuelle. « L’accroissement massif de l’endettement est une conséquence des mesures exceptionnelles de soutien de l’économie mises en place pendant la crise sanitaire » rappellent les Sages.

Ils proposent deux solutions. La première serait de « cantonner » la dette Covid, c’est-à-dire de la laisser à la charge de l’Unédic, sans pour autant la confondre avec son déficit « habituel ». Une forme d’écriture comptable en somme. La seconde serait que l’État reprenne cette dette et l’intègre dans son déficit public, comme il l’a fait avec la SNCF.

Une réforme contestée

Quelle que soit la méthode choisie, les Sages estiment qu’il faudra également revoir la trajectoire financière de l’Unedic, afin de dégager des excédents qui permettront de rembourser petit à petit les déficits. Pour y arriver, il n’y a pas de solution miracle : il faut baisser les dépenses (allocations chômages, financement de Pôle Emploi) et/ou augmenter les recettes.

Côté dépenses, le gouvernement a bien prévu une réforme de l’assurance-chômage, qui doit entrer progressivement en vigueur cette année. Fortement contestée par les syndicats, qui dénoncent le risque de précarité accrue, elle devrait permettre de faire des économies, notamment en durcissant les conditions d’accès aux allocations et en baissant leur montant mensuel.

Dépense contrainte

Mais les Sages rappellent que l’Unédic subit une autre forme de dépense contrainte, à travers le financement de Pôle emploi. La loi l’oblige en effet à verser 11 % de ses recettes à l’opérateur (10 % avant 2020), alors qu’avant la création de Pôle Emploi, il ne consacrait que 7 % à la gestion des indemnisations et le suivi des chômeurs. Ce surcoût, estimé à 10 milliards d’euros sur dix ans, représente un tiers de la dette hors-Covid.

« En parallèle, remarque le rapport, le montant de la subvention pour charges de service public versée par l’État à Pôle emploi diminue depuis 2017 (- 18 %) […] On observe ainsi un transfert de financement entre le budget de l’État et les ressources de l’Unédic ». Une manière élégante de dire que l’État s’est largement défaussé sur l’Unédic ces dernières années, et qu’il serait donc malvenu de lui reprocher son déficit élevé.

Chacun à sa place

L’Unédic est d’autant plus coincée qu’une partie de ses recettes, qui provenaient avant 2018 des cotisations versées par les salariés, est désormais assurée par la CSG (contribution sociale généralisée). Or, l’organisme n’a pas la main sur le montant de cette contribution, votée par le Parlement. Dépenses contraintes, recettes incertaines : « les partenaires sociaux ne sont plus décisionnaires de l’essentiel [des] règles de fonctionnement [de l’Unédic] », constate le rapport.

Les Sages demandent donc « de restaurer un mode de fonctionnement satisfaisant de la gouvernance de l’assurance-chômage », en précisant les rôles de chacun. Cela pourrait passer par un transfert de certaines dépenses assurées actuellement par l’Unédic vers l’État, mais aussi par une meilleure sécurisation des recettes. Une manière de clarifier les responsabilités de chacun sur l’état actuel de l’assurance-chômage.

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