Covid : au cœur de la task force qui lutte contre la fraude au fonds de solidarité

Il y a 3 années 855

"Quoi qu'il en coûte" : ces mots, répétés par le président Emmanuel Macron depuis le début de la crise sanitaire, illustrent la volonté de l'Etat de compenser au maximum les secteurs les plus touchés par ce qui est aussi devenu un cataclysme économique. Et de fait, des milliards ont été dépensés. Depuis mars 2020, 18 milliards sont venus ainsi abonder le fonds de solidarité pour les entreprises, les indépendants et les entrepreneurs qui voient leur activité durement frappées. Un dispositif salué, jeudi, par la Cour des comptes, dans son rapport annuel. 

Mais les magistrats de la rue Cambon ont souligné un écueil : le risque de fraudes. Un risque pris en compte par le gouvernement qui a décidé de créer une "task force" pour traquer les escroqueries. Pas moins de 50 agents du fisc ont ainsi été détachés pour rejoindre cette cellule spéciale, dont les bureaux sont installés à Pantin en région parisienne, dans les locaux de la direction générale des impôts. Europe 1 a pu s'y rendre pour suivre le travail de l'unité.

D'énormes sommes en jeu

À la tête de l'équipe, Maxime Gautier, la directrice générale de la direction des grandes entreprises. "Au départ, toutes les demandes de fonds de solidarité passent par le contrôle de l'intelligence artificielle de notre système informatique", explique-t-elle à Europe 1. "Et quand une anomalie est détectée, le dossier nous est transféré pour qu'un être humain prenne le relai et vérifie pourquoi le dossier présente des irrégularités."

Un travail essentiel, alors que les montants en jeu sont importants et ne cessent d'augmenter. Au début de la crise, le gouvernement avait proposé une aide de 1.500 euros à quasiment toutes les entreprises de moins de 10 salariés qui avaient une chute importante de leur chiffre d'affaires. L'argent était alors versé sous 48 heures après la demande. Mais le dispositif a beaucoup évolué depuis, les montant sont passés à 10.000 euros pour les secteurs les plus touchés, puis jusqu'à un plafond de 200.000 euros. Et "1.500 et 200.000 euros, ce n'est plus la même chose", pointe Maxime Gautier. "Il est donc important qu'au-delà de certaines sommes, il y ait un contrôle renforcé pour éviter les fraudes."

Quand l'informatique a besoin de l'humain

L'informatique signale donc les anomalies, mais ce sont ensuite les membres de cette "task force" qui vérifient pourquoi le dossier est potentiellement litigieux. C'est le travail notamment de Candice, 28 ans. Parmi ses dossiers du jour, un restaurateur dont l'IBAN, l'identifiant bancaire, pose problème. La jeune femme va donc vérifier si le compte appartient bien à l'entreprise, puisque l'argent est versé sur le compte de l'entreprise et non celui du gérant.

Il y aussi cet hôtel, dont le chiffre d'affaires déclaré ne correspond pas aux informations des services fiscaux. La Direction générale des finances peut alors demander des justificatifs supplémentaires, puis accepter ou rejeter la demande. Si l'entreprise estime que ce refus n'est pas justifié, elle doit alors faire une nouvelle demande.

Entre erreurs involontaires et fraudes manifestes

Dans la majorité des cas, il s'agit d'erreurs involontaires, liées à des dossiers complexes à remplir. Mais la "task force" identifie aussi régulièrement des fraudes manifestes. "Ce sont des sociétés en sommeil qui, d'un coup, se réveillent, ou des entreprises créées spécialement pour faire une demande de fonds de solidarité", énumère François, le chef d'équipe. 

Autre fraude récurrente : les groupes qui demandent une aide pour chacune de leur entité alors que le plafond est fixé à 200.000 euros pour l'ensemble de la société. Certaines structures font jusqu'à dix demandes pour le même groupe. "Si nous acceptions ces demandes, nous devrions verser 2 millions d'euros, alors que le plafond est à 200.000 euros", explique François.

Une montée en puissance à venir

En deux mois, la "task force" a passé au peigne fin 10.000 dossiers et rejeté environ 15% environ d'entre eux. L'équipe de 50 personnes devrait prochainement être renforcée puisque c'est elle également qui devra vérifier les demandes de prise en charge des coûts fixes des entreprise. Un dispositif qui doit entrer en vigueur le 31 mars prochain. Il permettra d'éponger 70 % des coûts fixes des sociétés qui réalisent plus d'un million d'euros de chiffre d'affaires par mois. L'aide pourra alors atteindre jusqu'à 10 millions d'euros.

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