D'abord dépassés par l'épidémie, les acteurs publics ont su s'adapter, note la Cour des comptes

Il y a 3 années 736

Le rapport public annuel 2021 de l'institution de la rue Cambon revient longuement sur la manière dont les acteurs publics ont fait face à la crise sanitaire.

738 pages : la Cour des comptes a accouché, ce jeudi, d’un beau bébé. Alors que de nouvelles restrictions sanitaires sont attendues, le rapport public annuel revient en détail sur la gestion de la crise sanitaire, l'an dernier. Petite spécificité : le document, en deux parties, ne porte pas sur la situation des finances publiques. Ce dossier sera traité dans une étude à part, demandée par Matignon et qui doit être publiée mi-avril. La cour y formulera également des «recommandations sur la stratégie d'évolution des finances publiques dans l'après-crise».

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Premier enseignement du rapport : la France n’était pas prête à faire face à une crise sanitaire de l’ampleur de celle du Covid-19. «Dans la plupart des cas», les acteurs publics ont été pris au dépourvu. Ni la SNCF, ni les services de réanimation, ni l’école, par exemple n’avaient de «plan adapté». «Les dispositifs d'anticipation de crise n'étaient pas au rendez-vous», un manque de préparation des acteurs publics imputable au fait qu'ils «n’accordent pas suffisamment d’attention à la gestion des risques». Ils ont donc été rapidement dépassés par les événements, résume la Cour.

L’école fait figure d’exemple, malgré une «première réponse aux besoins des élèves, des familles et des enseignants» mise en place rapidement grâce au numérique. Les failles sont nombreuses : les professeurs des écoles étaient peu formés à l’enseignement par ce biais, tous les étudiants n’avaient pas accès à l’équipement nécessaire - 600.000 environ sont «privés d’accès à un ordinateur ou autre équipement numérique avec une connexion», soit 5% des élèves - et les jeunes en difficulté scolaire se sont effondrés.

La Cour suggère donc plusieurs pistes d’amélioration, comme établir, «dans chaque école et établissement, un plan de continuité pédagogique opérationnel» ou négocier avec les opérateurs téléphoniques pour que les étudiants sans accès à une connexion puissent utiliser sans réserve leurs données mobiles gratuitement pour rester en ligne et former davantage les enseignants à l’outil numérique.

Les réanimations et soins critiques devront aussi être repensés après la crise, souligne le rapport. Le choc initial a été violent : le Covid a doublé la durée moyenne d’hospitalisation en réanimation et accru brutalement les entrées quotidiennes de 65%, la semaine du 18 mars 2020. Malgré les déprogrammations d’autres opérations en urgence, les réanimations étaient mal préparées : équipement insuffisant, inégalités territoriales, manque de personnel… Les équipes ont fait au mieux, mais n’étaient pas suffisamment armées pour faire face à l’épidémie.

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Une adaptation rapide et souvent efficace

Heureusement, après un premier temps de «désorganisation», beaucoup d’acteurs ont su s’adapter, souvent en proposant des idées neuves. Le mammouth administratif hexagonal, tant décrié, a su faire preuve de flexibilité, pour une fois, avec des «solutions ou des dispositifs nouveaux», mis en place rapidement. Certains ont particulièrement bien marché, comme le dispositif pour faire revenir les centaines de milliers de Français bloqués à l’étranger au plus fort de la crise, à partir de mars, piloté par le Quai d’Orsay. Des «opérations efficaces au coût maîtrisé», 8,5 millions d’euros, «soit 35 euros par personne aidée» seulement. Cette bonne gestion «montre que l’administration peut aussi apprendre de ses expériences et être très réactive», commente la Cour.

La SNCF a aussi réagi efficacement face à la crise, malgré une situation qui reste compliquée, un an plus tard. Les réanimations, également, ont déployé de nouveaux outils, dont l’évacuation sanitaire, les aidant à faire front. Si quelques tentatives se sont soldées par un échec, par exemple dans le dossier du «logement des personnes sans domicile», le rapport salue la capacité «d’innovation» de nombreux acteurs.

D’autres dispositifs créés dans l’urgence, comme le fonds de solidarité aux entreprises, ont aussi été de francs succès. Dans ce dernier cas, la bride financière a toutefois été un peu trop lâchée, souligne la Cour, qui conseille à Bercy de mieux contrôler ses dépenses et à surveiller la destination des fonds. La question du débranchement des aides devra, le moment venu, se poser avec prudence : «nécessaire dès lors que l’apaisement de la crise sanitaire aura permis le retour à une activité normale, [elle] pourrait entraîner un ressaut important des défaillances d’entreprises», met en garde le rapport.

Dans l'ensemble, la mobilisation des acteurs, ainsi que les pistes de solutions innovantes explorées ont permis leur «adaptation au contexte créé par la crise». Au prix d'un sacrifice financier très lourd pour les finances publiques, rappelons-le. Le rapport est aussi l'occasion pour la France de tirer les leçons de la crise actuelle, et mieux se préparer à l’éventualité de situations similaires, à l'avenir.

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