Opinions Santé

Chronique

auteur

Dominique Méda

Professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine

La sociologue constate, dans sa chronique, que la crise sanitaire a mis en lumière le principal problème de notre système de santé : son incapacité à réduire les inégalités sociales face à la maladie.

Publié le 28 novembre 2020 à 05h00 - Mis à jour le 30 novembre 2020 à 15h18 Temps de Lecture 4 min.

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A l’hôpital Robert-Boulin de Libourne (Gironde ), le 6 novembre 2020. A l’hôpital Robert-Boulin de Libourne (Gironde ), le 6 novembre 2020. PHILIPPE LOPEZ / AFP

Chronique. Les résultats des enquêtes lancées pendant le confinement viennent confirmer un des principaux enseignements de la crise sanitaire : le virus a frappé plus durement certaines populations, mettant en lumière de façon éclatante le poids des inégalités sociales de santé dans notre pays. Il apparaît désormais clairement que les personnes souffrant de comorbidités telles que l’obésité, le diabète ou l’hypertension – souvent liées à de mauvaises conditions de vie et d’alimentation –, mais aussi celles qui habitent dans des logements surpeuplés ou exercent certains métiers, ont été plus durement touchées que les autres. Ces différents éléments sont d’ailleurs souvent cumulatifs comme en témoigne le taux de surpeuplement du logement de certaines professions rapporté par l’enquête EpiCov (Inserm et DREES-ministère des solidarités) : 21 % pour le personnel de nettoyage, 20 % pour les ouvriers salariés du bâtiment, 18 % pour les aides à domicile.

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Le « paradoxe français » – un bon état de santé moyen, mais des inégalités qui se creusent dès le plus jeune âge et se maintiennent tout au long de la vie – est connu depuis longtemps, et de multiples rapports y ont été consacrés. Les différents déterminants de ce « gradient social de santé » ont bien été recensés, parmi lesquels figure le renoncement aux soins qu’illustrent ces chiffres édifiants : 20 % des personnes déclarant avoir renoncé à au moins un soin sont sans diplôme, environ 30 % appartiennent au premier quintile de niveau de vie (c’est-à-dire les 20 % de ménages aux revenus les plus bas) et 30 % au deuxième quintile. La vulnérabilité d’une partie de la population explique donc en partie la violence de la crise du Covid-19 dans notre pays – qui accentuera sans nul doute à son tour le gradient social de santé.

Politiques ambitieuses

Nous devons tirer de cette situation un enseignement majeur : notre politique de santé publique n’est pas satisfaisante ; son organisation est dépassée ; il nous faut la refonder en nous donnant comme objectif de réduire au maximum des inégalités sociales de santé qui finissent toujours par peser, comme nous le voyons en ce moment, sur l’ensemble du pays. La plupart des remèdes sont connus. Il faut cesser de faire supporter à notre système de santé une approche principalement comptable, qui a conduit à fermer des dizaines de milliers de lits et à dégrader considérablement les conditions d’exercice des personnels soignants à l’hôpital, du fait du rationnement des embauches et d’un Objectif national des dépenses d’assurance-maladie insuffisant, comme vient de le rappeler un avis du Conseil économique social et environnemental (« L’hôpital au service du droit à la santé », Sylvie Castaigne, Alain Dru et Christine Tellier, CESE, octobre 2020). Il s’agit d’un problème structurel, que les décisions prises dans le cadre du Ségur de la santé n’ont pas réglé, puisque le gouvernement a réussi le tour de force de programmer des économies dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021.

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