franceinfo cons. Le magazine "60 Millions de consommateurs" a 50 ans

Il y a 3 années 233
Mosaîque des unes du magazine qui fête ses 50 ans. Il s\'appelait \"50 millions de consommateurs\" au début des années 80. Mosaîque des unes du magazine qui fête ses 50 ans. Il s'appelait "50 millions de consommateurs" au début des années 80.  (60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS)

Le magazine 60 Millions de consommateurs fête ses 50 ans. D’ailleurs, il y a 50 ans, 60 Millions, c’était 50 Millions de consommateurs.) franceinfo info conso souffle les bougies avec Benjamin Douriez, rédacteur en chef adjoint du magazine. 

franceinfo : En Une de ce numéro de décembre, vous dites, cet anniversaire c’est 50 ans de combats, défendre les consommateurs, c’est un combat ?  

Benjamin Douriez : Oui, c’est un combat – des combats plutôt ! – perpétuellement renouvelés. Face à l’avalanche de produits, de services qui sont proposés aux consommateurs, il y a besoin d’une information experte. 60 Millions de consommateurs est réalisé par des journalistes, mais aussi par les juristes, les ingénieurs de l’Institut national de la consommation. Et aussi, il y a besoin d’une information indépendante. On est un magazine, un site Internet sans publicité – ce qui permet d’informer en toute indépendance par rapport aux fabricants, aux professionnels.  

Mais est-ce que c’est plus compliqué aujourd’hui qu’il y a 50 ans ? Ou à chaque époque son combat ?  

À chaque époque son combat plutôt ! On a replongé dans nos archives à l’occasion de cet anniversaire. J’étais frappé de voir dans les années 1970-1980 des essais très marquants mettant en évidence des défauts de sécurité très graves dans les produits : des casques moto qui ne protègent pas assez les motards, des sièges auto pour enfants, mal conçus ou dangereux.

Aujourd’hui, les soucis peuvent être plus insidieux. Ces dernières années, on s’est intéressé par exemple aux substances indésirables dans les couches pour bébé ou dans les protections féminines. Ce sont des préoccupations – les résidus toxiques dans les produits du quotidien – donc, qui n’existaient pas, en tout cas pas avec la même acuité, dans les décennies précédentes.

Spontanément, quels sont les combats dont le magazine est le plus fier, en quoi vous avez concrètement fait changer les choses ?  

Il y en a eu beaucoup. Par exemple, au début des années 1980, le magazine qui s’appelait à l’époque 50 Millions de consommateurs a bataillé, avec les associations de consommateurs, pour imposer l’affichage du prix au kilo dans les magasins – aujourd’hui, ça va de soi d’avoir le prix au kilo sur une barquette de viande pour pouvoir comparer entre deux barquettes de poids différent. Jusqu’à 1983-1984, ça ne l’était pas, c’était facultatif.  

Un autre combat, bien plus récent : on parlait des résidus toxiques dans les couches pour bébé – nos tests contribuent à une prise de conscience des consommateurs, des autorités, et donc des fabricants. Trois ans après notre premier test, on en a refait un il y a quelques mois : les choses se sont améliorées dans les couches, donc notre alerte a été utile.  

Est-ce que les consommateurs sont plus exigeants aujourd’hui ?  

Plus exigeants, sans hésiter ! Dans un certain nombre de choix de consommation, on ne s’intéresse plus seulement à la qualité du produit, du service, on s’intéresse à la façon dont il a été produit, à son impact sur l’environnement. J’achète un produit alimentaire, je me demande s’il a été produit près de chez moi, ou s’il fait 1 500 km avant d’arriver sur les étals. J’achète un appareil électroménager, je me demande s’il va être durable, réparable. En tant que consommateur, on ne cesse de se poser de nouvelles questions, me semble-t-il.    

En septembre 2013, lorsque les premières cigarettes électroniques ont commencé à apparaître, vous avez dénoncé le formol et l’acroléine, deux substances toxiques par inhalation et ingestion, avez-vous obtenu gain de cause ?  

C’est un test qui avait suscité beaucoup d’incompréhension à l’époque, notamment auprès des utilisateurs de e-cigarettes qui ont cru que, parce qu’on pointait la e-cigarette, on voulait réhabiliter le tabac. Bien sûr que l’e-cigarette est infiniment moins dangereuse que la cigarette. Néanmoins, les émissions d’une vapoteuse, ce n’est pas de la vapeur d’eau, comme on l’entendait parfois à l’époque. Donc oui, une fois la polémique passée, des travaux de normalisation ont été engagés. Nos ingénieurs y ont participé. Cela aboutit à une norme deux ans plus tard, qui contribue donc à l’amélioration des produits.  

Le volume annuel de consommation par personne a triplé depuis la fin des années 60. Mais est-ce qu’on consomme toujours le même type de produits ? 

Non, d’abord la part de l’alimentation a baissé dans le budget des ménages. Et puis, on ne consomme pas forcément les mêmes produits alimentaires : moins de produits basiques (pain, légumes, céréales), et plus de produits transformés. Au-delà de l’alimentation, une évolution importante dans les dépenses, c’est la part croissante prise par les factures récurrentes, les abonnements en tous genres (téléphone, Internet…). Il y a davantage de dépenses qu’on appelle "pré-engagées". Cela contribue parfois au sentiment de perte de pouvoir d’achat.  

Depuis mars, la crise sanitaire a changé beaucoup de choses dans nos modes de consommation, beaucoup plus d’achats à distance via le net. Vous pensez que ça va s’amplifier dans les mois ou années à venir ou pas ?   

En tout cas, l’épidémie est un accélérateur extraordinaire pour certains changements de comportement. Même si ces jours-ci, les Français sont ravis de retrouver leurs commerces qui ont rouvert, il est probable qu’une partie des habitudes prises, avec encore plus d’achats en ligne, plus de démarches en ligne, administratives par exemple, demeurent.

Il faudra être vigilant à ce que ces évolutions ne laissent pas des consommateurs sur le bord de la route – ceux qui ne sont pas à l’aise avec le numérique, ou ceux qui n’ont pas une connexion de qualité à domicile. Cela fait aussi partie des enjeux d’avenir dans la défense des consommateurs.     

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