Les propositions de la commission Arthuis pour contenir la dette publique

Il y a 3 années 341

C'était un rapport très attendu demandé par le gouvernement. L'ancien ministre des Finances Jean Arthuis a remis, jeudi 18 mars, la copie de la Commission sur « l'avenir des finances publiques » au Premier ministre, Jean Castex.

Les spécialistes de la Commission, chargés de faire de la pédagogie auprès de l'opinion sur la nécessité de reprendre le contrôle de la dette, décrivent un nouveau paradigme. Le ratio dette sur PIB, qui va atteindre plus de 120 % avec la crise du coronavirus contre 98 % en 2019, n'est plus le « critère d'appréciation principal de la soutenabilité » des finances publiques, peut-on y lire. Avec une charge de la dette en baisse constante, l'augmentation de l'endettement n'est plus aussi dangereuse qu'avant grâce à la baisse des taux d'intérêt sur les marchés financiers.

Si nous poursuivons le même rythme d’augmentation des dépenses publiques, l’endettement poursuivra sa hausse continue dans les prochaines années

Alors, peut-on emprunter de façon illimitée pour financer les dépenses publiques et le modèle social ? « Il faut être clair sur ce point : il n'y a pas d'argent magique », préviennent les experts qui identifient trois risques : une remontée des taux d'intérêt à court ou moyen terme, une divergence de la trajectoire de la dette française avec l'Allemagne et celui de griller toutes les marges de manœuvre budgétaires « pour relever les défis de demain, comme celui de la transition écologique ou de la survenance d'une prochaine crise ». Il va donc falloir mettre fin au « quoi qu'il en coûte ». « Les travaux de notre commission mettent en évidence que, si nous poursuivons le même rythme d'augmentation des dépenses publiques, l'endettement poursuivra sa hausse continue dans les prochaines années et cela dans la plupart des scénarios plausibles sur la croissance économique. Sans perspective de stabilisation, la situation apparaîtrait alors comme intenable à long terme. »

À LIRE AUSSIStephanie Kelton : « Le déficit et la dette ne posent aucun problème »

La Commission se défend de préparer le terrain à l'austérité comme elle est accusée par certains. « Il ne faut pas s'engager dans un programme de réduction des dépenses dès maintenant », écrit-elle clairement, afin de maintenir la capacité des acteurs économiques à rebondir après la crise. « En revanche, assume-t-elle, le quoi qu'il en coûte doit rester ciblé : les mesures de soutien dans la période doivent rester temporaires et concentrées sur les secteurs les plus touchés, au risque sinon d'amputer durablement nos marges de manœuvre.

Les experts désignés par le gouvernement écartent toute annulation de la dette détenue par la Banque centrale européenne (BCE) ou toute émission de dette perpétuelle, car la demande des investisseurs n'est pas au rendez-vous, ce qui renchérirait le coût de la dette publique.

Refus du cantonnement de la dette

La Commission ne se montre pas non plus très favorable à un cantonnement de la dette. « Ce mécanisme consisterait à isoler la dette liée à la crise du Covid-19 en fléchant une ressource nouvelle ou existante pour son remboursement. Cela reviendrait à s'imposer une contrainte de calendrier pour éteindre cette dette alors qu'elle est dans les faits plus légitime. Par ailleurs, cela ne changerait pas la question du niveau de la dette et de sa soutenabilité », défend-elle contre l'avis du ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire.

À LIRE AUSSIDette publique : Le Maire propose une règle d'or sur les dépenses

Conformément à la lettre de mission du Premier ministre, la Commission écarte la piste des hausses d'impôts, dans un pays qui est déjà recordman en la matière. « Parallèlement, tout allègement d'un impôt devrait être strictement compensé par l'augmentation d'un autre ou par des économies. »

Pas de baisse de la dette avant 2030

La stratégie proposée se fonde donc sur la maîtrise des dépenses, « dans la durée », « car il est illusoire d'imaginer stabiliser puis faire baisser rapidement notre endettement, sauf circonstances macroéconomiques exceptionnelles lors de la phrase de reprise ».

La Commission espère commencer à faire refluer l'endettement de la France à l'horizon 2030 et écarte de le faire d'ici à 2025, car cela nécessiterait des « efforts sans commune mesure » avec « ceux qui ont été consentis depuis dix ans ».

Une règle pluriannuelle d'évolution des dépenses

Les dépenses devront, dans les années à venir, progresser moins vite que les recettes. Pour tenir cette stratégie, « nous sommes aujourd'hui largement désarmé », constate la Commission. Les règles européennes qui fixent un retour à 60 % de dette par rapport au PIB sont « caduques ». Il faut donc rénover la gouvernance des finances publiques. Comme Bruno Le Maire, la Commission Arthuis propose d'instituer une norme de dépense pluriannuelle à chaque début de mandat, au travers de la loi de programmation des finances publiques. Elles concerneraient l'ensemble des administrations publiques (État, Sécurité sociale et collectivité locales). « Le respect de cette trajectoire serait suivi chaque année sur la base d'un A compteur des écarts B, décliné dans chaque secteur. » Le vote du premier budget du mandat serait décalé de quelques mois, le temps pour la nouvelle majorité de définir sa trajectoire. Un plancher pour les « dépenses d'avenir » serait aussi fixé.

À LIRE AUSSIAgnès Verdier-Molinié : réformer, quoi qu'il en coûte

Un nouveau rôle serait confié au Haut Conseil des finances publiques qui deviendrait une véritable « institution budgétaire indépendante » avec des moyens en propre, « à l'image de ce que nous observons dans la plupart des pays qui ont réussi à s'engager dans une plus grande transparence et sincérité budgétaires ». Il produirait des prévisions macroéconomiques ainsi que des analyses sur la soutenabilité de la dette. Il serait surtout chargé du suivi de l'exécution de la trajectoire de finances publiques par rapport à la programmation pluriannuelle.

Enfin, la Commission Arthuis propose d'approfondir le débat parlementaire sur le budget, qui « manque de clarté » pour les citoyens. « Il devrait tout d'abord reposer sur un document lisible et synthétique donnant une image fidèle du budget et de la dette, en accordant un temps plus long à la discussion de la trajectoire pluriannuelle, et en mettant en place une conférence nationale des finances publiques, en début de mandature. Enfin, « un programme d'évaluation pluriannuel des dépenses, y compris des niches fiscales et sociales, pourrait être décidé et suivi directement par le Parlement ».

Lire la Suite de l'Article