TRIBUNE. Manifeste pour un nouveau partage de la valeur

Il y a 3 années 342

L’Institut du Capitalisme Responsable a été créé en 2017 par Caroline de La Marnierre. Ses membres – Korian, Sanofi, Michelin, Société générale, SNCF, Sodexo, Legrand… – réfléchissent depuis plusieurs mois au partage de la valeur créée par l’entreprise entre les actionnaires, les salariés, les clients et les fournisseurs. Ils veulent des indicateurs plus clairs pour en témoigner et appellent les entreprises à prendre cinq engagements clairs. Les premiers signataires ont accéléré la publication d’un « Manifeste pour un nouveau partage de la valeur », texte important alors que l’éviction d’Emmanuel Faber de la présidence de Danone peut faire douter de l’engagement de la place de Paris vers un capitalisme plus responsable et moins financier. Point intéressant, plusieurs membres du conseil d’administration de l’Institut, dont Gilles Schnepp, Clara Gaymard ou Michel Landel, sont aussi administrateurs de Danone.

Nouveau partage de la valeur : le Manifeste

« Dans le cadre des travaux annuels de l’Institut du Capitalisme Responsable, nous, dirigeants et dirigeantes d’entreprise, experts et expertes sur les sujets d’ESG [Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, NDLR], avons beaucoup appris de ces longs mois de pandémie. Nous avons compris qu’il existe, pour nos entreprises, une qualité supérieure à toutes les autres, la résilience. Nos entreprises n’ont plus seulement besoin d’être fortes, performantes et innovantes. Pour absorber durablement les crises multiformes qui vont se succéder, elles devront être capables de mobiliser le collectif d’efficacité, de créativité et de responsabilité que doit devenir l’entreprise si elle veut créer de la vraie Valeur. L’entreprise résiliente structurera sa stratégie autour de la création et du partage de cette valeur, non plus seulement financière, mais intégrant l’ensemble des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Nous prenons cinq engagements sur les court et moyen termes.

1 - Parce que la polémique sur le versement des dividendes a fait rage au printemps 2020, nous voulons que la politique de distribution des dividendes s’inscrive désormais dans une cohérence plus affirmée avec la stratégie de création et de partage de la valeur. Nous expliciterons – et nous impulserons – cette cohérence à l’adresse de nos parties prenantes. A cette fin, les dividendes – sur les court et moyen termes – seront non seulement rapportés à la performance financière, mais aussi à l’atteinte des objectifs ESG, de la politique interne de rémunération des salariés et des dirigeants, aux aides exceptionnelles de l’Etat.

2- Parce que le ratio d’équité introduit dans la loi PACTE [qui compare la rémunération du dirigeant à la moyenne de celle des salariés] est une avancée qui doit encore faire ses preuves opérationnelles, nous pratiquerons – ou nous nous efforcerons d’inciter les entreprises à – la transparence sur le mode de calcul du ratio d’équité et donc sur la politique de rémunération des dirigeants comme des salariés. Nous présenterons clairement les modalités de calcul, leurs évolutions dans le temps et les hypothèses prises en compte. Nous rendrons compte de sa construction et des interactions avec les CSE [Comité social et économique de l’entreprise].

3 - Parce que fournisseurs et sous-traitants jouent un rôle clé dans le déploiement de la stratégie de l’entreprise, nous mettrons en cohérence – ou nous favoriserons – la politique de sous-traitance et d’achats avec la stratégie de l’entreprise, ses engagements ESG et sa raison d’être. En créant des indicateurs de suivi spécifiques pour évaluer la prise en compte des critères ESG dans la politique de sous-traitance et d’achats, en expliquant cette politique dans les documents fournis à l’Assemblée générale.

4 - Parce que la crise du Covid-19 a souligné les dysfonctionnements de nos modèles économiques et sociétaux, les enjeux de société, d’environnement et de gouvernance deviennent les leviers prioritaires du renouveau. Nous formulerons clairement – ou nous préconiserons d’expliciter – le lien entre la raison d’être et la politique de création et de partage de la valeur en mesurant l’état d’avancement avec des indicateurs dédiés. Nous présenterons – ou nous soutenons – les engagements ESG de court, moyen et long terme et leur lien avec la raison d’être. Nous incarnerons la raison d’être à travers des indicateurs de maturité mesurant l’état d’avancement.

5 - Parce que le Conseil n’est pas toujours associé assez en amont à la définition de la politique de partage de la valeur, nous nous engageons – ou nous recommanderons – à faire de cette politique un sujet à part entière relevant de la responsabilité du Conseil, étroitement intégré au processus d’élaboration et d’approbation du plan stratégique. Nous mettrons en place un processus de travail plus collaboratif entre la direction générale et le Conseil pour que la politique de partage de la valeur figure explicitement dans la résolution du Conseil portant sur la validation du plan stratégique et que cette politique soit inscrite dans les documents soumis à l’Assemblée générale. »

LISTE DES SIGNATAIRES

Xavier Fontanet, ancien président d’Essilor International ;

Philippe Zaouati, président de Mirova (société de gestion de fonds) ;

Thibaut Bechetoille, président de CroissancePlus ;

Olivier de Guerre, président de Phitrust (société de gestion de fonds) ;

Clara Gaymard, cofondatrice de RAISE (société d’investissement) ;

Gonzague de Blignières, cofondateur de RAISE (société d’investissement) ;

Fanny Picard, associée fondatrice d’Alter Equity (société d’investissement) ;

Philippe Peuch-Lestrade, senior executive de l’International Integrated Reporting Council (IIRC) ;

Sophie Wigniolle, associée du cabinet Executive Search Eric Salmon & Partners ;

Denis Terrien, président de l’Institut Français des Administrateurs (IFA) ;

Eliane Rouyer-Chevalier, administratrice indépendante ;

Viviane de Beaufort, professeur à l’Essec Business School ;

Floriane de Saint Pierre, fondatrice et présidente d’Ethics and Boards et de Floriane de Saint Pierre et Associés ;

Marcel Grignard, ex-secrétaire national de la CFDT, ex-président de Confrontations Europe ;

Marie-Christine Lebert, secrétaire nationale CFDT Cadres, administratrice du Groupe Worldline représentant les salariés, coprésidente du Club des Administrateurs salariés de l’IFA ;

Edouard Dubois, consultant en gouvernance d’entreprise et RSE ;

Cédric Lavérie, conseil en vote pour les investisseurs;

Pierre Bellon, fondateur de Sodexo ;

Stéphane Voisin, conseil en gestion de patrimoine ;

Marie-Christine Mahéas, cocoordinatrice de l’Observatoire de la Mixité, directrice et auteure du livre « Mixité, quand les hommes s’engagent » ;

Jean-Charles Vernhet, chirurgien cardiaque ;

Caroline de La Marnierre, présidente et fondatrice de l’Institut du Capitalisme Responsable.

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