Des employés de Goldman Sachs dénoncent des conditions de travail « inhumaines » au sein de la banque d’affaires. Certains travaillent jusqu’à 95 heures par semaine.
Ils ont apparemment tout pour eux, la volonté de percer dans le nec plus ultra de la banque d'affaires, une culture du travail poussée à l'extrême et le désir d'impressionner leurs supérieurs pour se faire une place au soleil en devenant très riches. Chez Goldman Sachs, les nouvelles recrues, fraîchement diplômées, sont censées être non seulement les meilleures et les plus intelligentes, mais aussi les plus résistantes à la fatigue. Le poste d'analyste junior est en quelque sorte un bizutage typique de la haute banque, à la City comme à Wall Street.
Mais trop, c'est trop ! Dans une pétition adressée à la direction de Goldman, treize jeunes banquiers du siège new-yorkais dénoncent les conditions de travail inhumaines auxquelles ils sont soumis. Ils sont contraints de travailler 95 heures par semaine, avec au maximum cinq heures de sommeil pour être aux manettes dès 3 heures du matin. Trois quarts des signataires se déclarent victimes « de harcèlement au travail » de la part de leurs supérieurs. La moyenne du taux de satisfaction des protestataires corvéables à merci s'élève à 2 sur 10.
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Les « moines banquiers »
Les rebelles réclament une limitation de la présence à 80 heures par semaine et le rétablissement du repos forcé, du vendredi 21 heures au dimanche matin, supprimé lors de la pandémie. « À l'heure du Covid et de la reprise des affaires, nos banquiers sont très occupés. Mais nous prenons en compte leurs préoccupations », a déclaré un porte-parole de la firme. À ses détracteurs, la banque réplique que les longues heures de travail sont nécessaires pour répondre aux besoins de clients, exigeants, très regardants sur la qualité du service et qui réclament une disponibilité 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Chez Goldman Sachs, les employés deviennent de véritables moines banquiers comme il existait des moines soldats. Les opérateurs mangent, dorment et font l'amour à côté du portable jamais éteint. Les nouveaux arrivés ont scellé un pacte faustien avec leur employeur. En échange d'un labeur acharné poussé à l'extrême, du sacrifice de toute vie privée et de vraies vacances, ils espèrent décrocher le sésame, la promotion au rang d'associé.
Dans la banque d'investissement des deux côtés de l'Atlantique, tout n'est qu'ordre, discipline et résultats dans une serre portée à très haute température où s'exacerbent les tensions, rancœurs, jalousies et états d'âme de chacun. L'insécurité de l'emploi est totale, « Kill or Die » : tue ou meurs… Ce qui motive les professionnels de l'argent ? « La faim », comme disait le légendaire escroc Ivan Boesky qui avait défrayé la chronique de Wall Street en 1986.
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En 2013, la mort de Moritz Erhardt, 21 ans, stagiaire de Bank of America Merrill Lynch, avait déclenché une vive polémique dans la City sur l'exploitation des apprentis financiers par les grandes banques d'investissement. Il avait été retrouvé inanimé dans la douche par ses colocataires, vraisemblablement terrassé par une crise d'épilepsie après avoir enchaîné trois nuits blanches au bureau. La tragédie avait inspiré la série dramatique Industry, qui avait connu un grand succès. La révolte des petites mains de Goldman Sachs souligne que dans les salles de marché, la réalité dépasse souvent la fiction.